mercredi, avril 18, 2007

Jeanne-Marie (suite)

Monsieur le rédacteur en chef,

Je me permets de prendre la plume suite à la publication sur le site du Monde d’une dépêche de Reuters, signée d’un certain Gilbert Reilhac, intitulée “Pierre Bodein se plaint de son sort à l’ouverture de son procès”, dépêche dont la réaction est pour le moins surprenante venant du “journal de référence” que vous prétendez diriger.

Cet article étant publié dans vos colonnes je vous en tiens pour responsable. Le sujet traité est naturellement tragique puisqu’il s’agit de l’ouverture du procès de Pierre Bodein, considéré à tort ou à raison comme un tueur en série, poursuivi notamment pour le viol et le meurtre d’une fillette, la jeune Jeanne-Marie.

Il s’agit, sans aucun doute, d’un fait divers tragique, qui peut, selon l’expression consacrée dans votre corporation, “relancer des débats“, “provoquer des réactions” ou “marquer l’opinion publique“.

Seulement voilà, la victime appartenait à une famille très catholique, de cette branche de la religion catholique que vous qualifiez régulièrement “d’intégriste“, et dont votre journal est souvent prompt à dénoncer la collusion réelle ou supposée avec l’extrême droite.

En quoi la religion de la victime ou de ses proches influe-t-elle sur la gravité des faits ? Théoriquement en rien.

Sauf que.

Vous êtes les premiers à pourfendre la haine religieuse, à appeler presque explicitement à la chasse aux profanateurs de mosquées lorsqu’un graffiti obscène a été tracé sur un mur ou à poursuivre de votre vindicte les idiots qui salopent régulièrement des cimetières juifs.

Inutile de dire que, pour des faits beaucoup plus graves commis en raison de l’appartenance réelle ou supposée à une religion, comme des homicides, le moindre fait divers méritera votre une et une pleine page.

Mais pas pour les catholiques traditionalistes, à en juger par la phrase suivante :

En face, parmi les parties civiles, sont assis les parents de Jeanne-Marie, des catholiques traditionalistes venus avec une partie de leurs enfants, dont un fils séminariste. La scène ressemble à un remake tragique de “La vie est un long fleuve tranquille”, ce film qui provoque une rencontre entre les Le Quesnoy bourgeois et les Groseille prolétaires.

Quel magistral détachement, quelle preuve d’humour… comparer un procès aux assises pour viol et meurtre d’une mineure à un film comique, vous ne reculez devant rien. Surtout pas devant le respect dû à la victime et sa famille, la dignité la plus élémentaire, autant de “valeurs” que vous êtes si habiles à défendre lorsque cela vous arrange, lorsque la victime a le bonheur d’appartenir au bon camp.

Aurait-on imaginé pareille métaphore humoristique à propos du procès du meurtre d’un noir ou d’un homosexuel ? Non, car cette victime-ci, ontologiquement victime mérite à vos yeux plus de respect que la victime blanche catholique, qui est pour vous ontologiquement coupable.

Qu’attendez vous pour, comme Sartre, vous réjouir ouvertement du meurtre d’un blanc ? Après tout, comme l’a dit l’illustre philosophe, quand un noir tue un blanc, c’est un homme libre de plus et un salaud esclavagiste de moins ! A fortiori dans une famille fidèle à la tradition, salauds parmi les salauds. Réjouissez-vous : c’est peut-être une voix de moins pour l’extrême droite dans les prochains scrutins !

Je voulais juste vous dire que votre mépris à mon encontre n’arrivera pas à la cheville de celui que je peux éprouver pour votre journal, prétendument sérieux, pour votre éthique que vous bafouez allègrement comme les révolutionnaires ont bafoué les droits de l’homme après les avoir gravés dans le marbre.

Je voulais juste vous dire aussi, pour terminer, que je serai heureux, lorsque l’un de vos confrères de Reuters se fera dézinguer à quelque coin du globe que ce soit, de me repasser en boucle les épisodes de Happy Tree Friends en buvant du vin chilien à la santé de ses assassins, étant bien entendu que vous y êtes d’ores et déjà gracieusement invité.

Je vous prie de croire, Monsieur le rédacteur en chef, à l’expression de ma considération dégoutée et atterrée.


Lisez Tcherno.
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